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Photo du rédacteurCharles CROUZAT

Amour multiple : doit-on aimer une seule personne ?

Doit-on aimer une seule personne ? Si la question se pose sur le plan de la morale, nous pourrions aussi l’écrire ainsi : « Peut-on aimer une seule personne ? ».


Et si j’en aime plusieurs, que dois-je faire ?

Dois-je refouler cela ? Opter pour le déni ?

Dois-je y sauter corps et âme abandonnant ce que j’ai aimé et chéri jusque-là ?


"Il n'est pas prouvé, loin s'en faut, que la vie de couple soit bonne et que la rupture amoureuse soit un accident pathologique" Vincent Delecroix (Ce qui est perdu, op. cit., p. 106-107)

Femme au téléphone en amour multiple

© Crédits photo : Cottonbro Studio - Qui est-ce que j'aime quand je dis t'aimer ?


Claire Marin, dans son livre Rupture(s), nous apprend qu’il y a des ruptures qu’on opère comme « l’expression d’une vérité intérieure qui ne peut plus se taire », et d’autres qui sont plus tragiquement peut-être l’espoir de se fuir soi-même.


Rompre peut tantôt être une quête de vérité intérieure, tantôt une négation de soi.


Je peux tomber amoureux d’un autre, et :

  1. fuir mon amant actuel pour rejoindre l’autre, comme dans une fuite de moi-même, tout en pensant que c’est l’autre que je fuis.

  2. Je peux aussi refuser ce nouvel amour, et choisir de rompre avec lui. Choisissant à nouveau l’oubli, et préférant le mensonge.


Que faire alors ? Il y a là un dilemme amoureux. Sa non clarification peut engendrer de la souffrance. Rester avec l'inconfort de la souffrance, demande pourtant un effort considérable, et mobilise toute la sphère psycho-somatique.


Comment répondre à ce dilemme et quels sont les leviers d'actions qui peuvent m'y inviter ? On peut déjà commencer par se demander :

  1. Si je choisis l’un ou l’autre des amants, le fais-je à partir de ma conscience éclairée ? Ou par la peur et la pression de l’extérieur ?

  2. Ce deuxième amour qui vient bousculer le premier, est-il là pour le remplacer ou est-il une invitation à voir ce qui se passe en moi ?


Mon premier réflexe, pour voyager en sécurité, serait :

  1. d'abord de cheminer intérieurement, avant un éventuel passage à l’acte,

  2. de pouvoir rester proche de soi, au sens de ses sensations physiques, de son corps, de ses pensées avant de se projeter corps et âme en l'autre, ce qui serait une perte de soi en l'autre, et qui pourrait se transformer en souffrance.


Alliance amoureuse - amour simple ou amour multiple ?

© Crédits photo : Marko Claric


Les ruptures seraient fréquentes et multiples, comme des évènements qui ne dépendent pas de nous.


La rupture nous prend les proches que nous aimons, de vieillesse ou de maladie. Nous n’y pouvons rien, et cela est déchirant. Lors de l’expérience de la fin de vie, nous mesurons combien nous ne sommes que des enfants de Dieu*. Ce n'est pas notre Moi qui choisit. Bien souvent le Moi suit ou subit les choix de la vie.


Vous pourriez contester en affirmant qu'on agit bien souvent avec son libre arbitre. Et si cela tenait plus d'un fantasme consolateur que d'une réalité ? La psychologie sociale, aime à nous rappeler, que la façon dont nous agissons, dépend beaucoup plus de notre environnement direct et indirect, conscient et inconscient, que nous nous plaisons à voir. Par exemple, un étranger, à qui un homme lui demande de garder ses affaires pendant qu'il va se baigner, sera, dans le temps qui suit, naturellement plus enclin à l'altruisme, même s'il en aura aucune conscience.


Si ce n’est pas le Moi qui décide en moi, alors cela veut-il dire que je serai le disciple d’une vérité plus grande que Moi ? Cette entité en soi, C. G. Jung l'appelait le Soi. Dans un sens proche, Nietzsche dans sa proposition nous propose "deviens qui tu es". En nous invitant à écouter le seul Dieu qui vaille, qui est en chacun de nous.



Couple sous un arbre - amour multiple

© Crédits photo : Tran Long


Et s’il en était de même en amour ? Et si l’amour était un élan vital en moi, qui ne dépend pas de moi ? Aussi déplaisant puisse-t-il être de penser ainsi pour notre égo, qui veut s'attacher à l'autre, le posséder. Quelle est donc cette force qui nous pousse à aimer un autre ?


Le fait de tomber amoureux de façon multiple, pourrait s'expliquer par le fait que c'est un archétype (animus ou anima) que nous projetons sur les autres. Celui que j'aime n'est donc pas vraiment l'autre, il est l'image que je lui projette.


Est-ce pour autant qu'il ne faut pas aller vers l'autre, ni l'aimer ?

Certainement pas, en revanche, cela vient nous interroger, et remettre les choses en contexte.


Je peux apprendre que :

  1. derrière se passage de fort désir que je projette, comme l'expression d'un animus et d'un anima, il y aura une désillusion,

  2. si je suis prêt à accueillir la rencontre de l'autre tel qu'il est, alors je peux continuer mon aventure d'amour,

  3. si je ne suis pas prêt à accueillir l'autre tel qu'il est, alors je vais chercher à garder la main mise sur lui, lui faire des reproches.


Et si finalement, le bel Amour, est exigeant, et qu'il revient à aimer sans attendre ?


Deux lions représentant l'animus et l'anima responsable de l'amour multiple

© Crédits photo : Lurii Ivashchenko


D’un côté, il y aurait l'amour de l’égo, celui de l’Avoir. Je veux posséder l’autre et j’ai peur de le perdre et de le quitter. Cet amour, ce qu’il dirait de moi, c’est peut-être combien je me mésestime dans ma valeur intime. Et si je le fais, je n’en suis probablement pas fautif. Dans bien des cas, la vie, ne nous permet pas de voir, à sa juste valeur, le reflet de notre âme. Nous sommes grands et merveilleux. Divins et sensibles. Imparfaits et beaux tels que nous sommes. Dans l’expérience de la vie, et sur le chemin.


De l’autre côté, et s’il y avait un amour divin ? Au sens de l’Être ? J’aime ce qui est. J’aime cette amante, et j’aime ma femme et mes enfants. Un amour inclusif, qui relève plus du « et » que du « ou ». Ce n’est plus toi ou moi, elle ou l’autre, c’est ma famille et l’autre. Vivre de cet amour, reviendrai à chercher une juste articulation entre les autres ET les autres, et les autres ET moi.


L'anima et l'animus, sont de merveilleux mystères. Ces archétypes interrogent l'amour, autant qu'ils dérangent en le faisant...


Est-ce une part de moi que j'aime quand je vois l'autre ? Ou l'autre que j'aime vraiment ?


Si cette question ne parait pas évidente à répondre, la raison tente de m'amener vers une réponse déplaisante, aussi déplaisante que celle qui consiste à se considérer responsable d'une colère, plutôt que de vouloir à tout prix l'imputer à un autre...


L'illusion apparaît alors tellement puissante... et la quitter pourrait être triste pour une part en nous qui souhaite rester dans la belle illusion.


Charles qui expérimente l'amour multiple

© Crédits photos : Charles Crouzat


Si nous parlons tant d’amour, c’est bien que celui-ci déchaine les passions, et peut nous bouleverser au plus profond de nous-même.


Je pose ces mots, non comme un sachant, mais comme un chercheur. Comme vous, ami lecteur, ce sujet me parle et me bouleverse dans ce qu'il y a de plus profond et souffrant en moi.


Pour moi aussi, il y a de ces ruptures que je n’attendais pas. J’ai envie de croire qu’il peut être possible d’Aimer. La thérapie et le lien que j’ai avec ma thérapeute m’aident à consolider ma valeur intrinsèque, afin de pouvoir vivre plus sereinement (et non sans passions), les expériences de la vie.


L'un de mes maîtres me propose souvent l'idée que le désir est naturel et normal. Vient alors la question de savoir s'il doit forcément être consumé ?


Et au final, si l'Amour était multiple, au sens du "Et" ?

Je t'aime toi ET toi.

Et la forme que je donne à ces amours multiples, peut être différente.

Accepter cette différence dans l'incarnation peut aider à être dans une inclusion, en accord/respect avec les mœurs de mon temps et de ma culture.

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